Leçon - Acteurs et enjeux de l’aménagement du territoire : l’exemple du Louvre-Lens

Introduction
Cerner (où, quand, qui, quoi) En France dans la région Nord-Pas de Calais sur les communes de Lens-Liévin, le 4 décembre 2012 (Ste Barbe), le musée du Louvre à Lens a été inauguré grâce à la coopération, la collaboration de nombreux acteurs, intervenants avec des objectifs ambitieux.
Def. acteurs : ensemble de ceux qui par leur comportement agissent sur l’espace (individus, associations, entreprises, collectivités territoriales, État…).
PB En quoi le Louvre-Lens permet-il de comprendre l’action des acteurs et les enjeux de l’aménagement du territoire ?

I Un projet ambitieux.

1. Lens, choisie parmi 6 villes candidates.
2003 : choix par l’État et le musée du Louvre de créer une « antenne » en « province ». Lens et 5 autres villes se sont portées candidates. Lens retenue en 2004. Pourquoi ?
Les atouts géographiques : une bonne localisation
- à l’échelle régionale une localisation de carrefour du Nord-Pas de Calais et de l’Europe du Nord-Ouest avec une bonne accessibilité grâce aux liaisons rapides (autoroute, TGV) desservant un large bassin de clientèle.
- à l’échelle locale : vaste friche industrielle disponible en milieu urbain à forte densité
Une raison socio-économique : soutenir un territoire en difficulté
Bassin minier en crise depuis la fin d’activité (1986) avec chômage fort (15 % des actifs) et friches industrielles.

2. Le choix d’un projet architectural moderne.
Projet de l’agence SANAA retenu car ambition architecturale : transparence, luminosité, intégration au paysage mais architecture très moderne, pas forcément intégrée à l'architecture originale du quartier, de la ville. On parle d’architecture iconique ou de star-architecture.

II. De multiples acteurs de l’aménagement du territoire.

1. L’exemple du Louvre-Lens.
Les acteurs publics, financeurs et responsables à toutes les échelles
- L’Union Européenne : financeur (20%) de la construction du musée par le biais du FEDER (Fonds Structurels Européens).
- L’État : financeur (4%) de la construction du musée + prête les collections du Louvre.
- La Région NPdC : principal financeur de la construction (59%) et du fonctionnement du futur musée, maître d’ouvrage du bâtiment (construction et conception du musée).
- Le Département du Pas-de-Calais : financeur (6%) de la construction et du fonctionnement.
- La ville de Lens et la Communauté d’agglomération Lens-Liévin (Communaupole) : financeur, construction du bâtiment (6%), réaménagement urbain (accessibilité & insertion des quartiers de la gare de Lens).
Les acteurs privés, impliqués sans être responsables
- Les entreprises : mécènes bâtisseurs qui financent la construction par des dons du musée ou partenaires contribuent à son fonctionnement (Orange).
- L’association des amis du Louvre-Lens A2L : promoteur de la candidature de Lens, elle accompagne l’implantation du musée en informant la population sur les enjeux du Louvre-Lens et en fédérant les initiatives pour et autour du Louvre-Lens.
- La population de Lens : faible participation aux prises de décisions.

2. La multiplication des acteurs publics de l’aménagement du territoire en France
Les acteurs historiques :
- L’État un acteur fondamental avec de grands projets d’aménagements nationaux pour rendre le territoire plus performant (transports réseau ferré de France) ou le protéger (Conservatoire du Littoral).
- État s’appuie sur des mailles anciennes : les 101 département et les 36000 communes (attachement fort des citoyens) mais trop petites, nombreuses, faibles /UE .
Les nouveaux acteurs
- L’UE, un acteur supranational depuis 1957, accorde aux régions en difficulté des fonds structurels
- Les collectivités territoriales (autonomie financière et élection démocratique) sont mises en place par la loi de décentralisation de 1982 qui transfère certaines compétences de l’Etat aux régions (développement économique), départements (action sociale) et communes qui auront plus de pouvoirs de proximité.
- En 1999-2000, l’intercommunalité permet le regroupement de communes au sein de communautés de commune, de communautés d’agglomération, de communautés urbaines pour construire des équipements collectifs et organiser des services en commun.
- État a encouragé la création des pays afin de valoriser le patrimoine et l’identité locale => pays ont généralement une cohésion géographique, économique et sociale.
=> millefeuille territorial

3. Les tensions générées par le millefeuille territorial.
Les débats autour du Louvre-Lens.
Nombreux car objectifs différents comme le montre l’exemple du choix du projet :
- Le Louvre-Paris veut de l’art, du prestige // image du Louvre-Paris et tourisme international
- Région préoccupée par le côté pratique (coûts, entretien) car risque de hausse des impôts, dimension plus sociale
=> Compromis atteint grâce à la contribution du département aux frais de fonctionnement
Des conflits partout en France
Les exemples en France ne manquent pas. Les intérêts des acteurs, puisqu’ils interviennent à des échelles différentes, peuvent être divergents.
Le projet d’une liaison TGV Bordeaux-Toulouse est soutenu par l’État et par la région Midi-Pyrénées car elle permet de mettre la capitale régionale à 3h de Paris. Mais le tracé rencontre l’opposition des 17 communes regroupées traversées par la ligne.
=> Les limites du millefeuille territorial
- ralentit la prise de décision, le début des aménagements
+ coût de ces différentes institutions aux compétences qui se recoupent trop souvent.

III. Des enjeux d’aménagement toujours plus importants

1. Du Louvre-Lens à EuraLens : des enjeux d’aménagement élargis.
EuraLens : (//Euralille), partenariat entre acteurs politiques (collectivités territoriales), économique (entreprises) et sociaux (associations, population) pour :
Renouvellement urbain : nouveau quartier réaménagé dans une logique durable en privilégiant la qualité de la vie, trame verte.
Développement économique : nouveaux emplois dans le tertiaire avec le pôle touristique Louvre-Lens mais aussi dans des secteurs industriels innovants
Action sociale de sensibilisation culturelle et sportive : le Louvre en sang et or qui reproduit en grand format des chefs d’œuvre du Louvre pour les supporters du RCL
=> Objectif : impliquer la population locale et régionale dans le projet pour qu’elle viennent ensuite au musée malgré l’exclusion culturelle des populations défavorisées
=> développement durable et changement d’image

2. Des enjeux parfois contradictoires
Contexte d’intégration européenne et de mondialisation => concurrence entre territoires
Enjeu n°1 : renforcer l’attractivité d’un territoire
en améliorant l’accessibilité (infrastructures, équipement numérique)
et la compétitivité (soutien aux pôles innovants)
Enjeu n° 2 : assurer son développement durable
aménagements doivent renforcer l’égalité du territoire (réduire la fracture numérique entre zones rurales et urbaines).
=> enjeux parfois contradictoires surtout en période de restriction budgétaire (choix douloureux)

3. Avec quels outils d’aménagement ?
Les contrats de projet État-Région (CPER) :
État engage la voie de la contractualisation avec les collectivités territoriales depuis 2007.
Les outils des collectivités territoriales :
Toutes les collectivités territoriale disposent d’outils de diagnostic et d’aménagement depuis 2000 : le SRAD(D)T (Schéma Régional d’Aménagement et de développement (durable) du territoire) prévoir l’évolution du territoire régional sur 20 ans, le SCOT (Schéma de cohérence territoriale) intercommunal, le PLU (Plan Local d’Urbanisme) communal

Conclusion
Bilan : Projet du Louvre-Lens volontairement haut de gamme révèle le rôle de multiples acteurs dans l’aménagement des territoires du quotidien en France. De l’UE à la commune, les acteurs de l’AdT sont aujourd’hui très nombreux et leurs compétences élargies, ce qui ne va pas sans causer de frictions au vu de leurs intérêts parfois divergents.
Ouverture => Au niveau européen, il y a eu des précédents : l’implantation du musée Guggenheim à Bilbao et la Tate Gallery à Liverpool, 2 villes victimes de la désindustrialisation. On parle aujourd’hui d’ « effet Guggenheim » pour caractériser la réussite d’une reconversion à partir d’un projet d’aménagement culturel.